Le souci principal des scientifiques pendant la dictature nazie en
Allemagne fut la préservation de leur autonomie. Cette autonomie
était menacée de deux côtés : D'une part les nazis étaient arrivés
à s'approprier le contrôle des affaires des hautes écoles, et
d'autre part les partisans de la physique aryenne avaient voulu
réformer les sciences de façon fondamentale. Comme tant la prise
du pouvoir des nazi, tant les interventions politiques en physique
arrivèrent pas à pas, il n'était pas vraiment possible de
s'y opposer.
Au début. les conséquences de la loi du 7. avril 1933 n'étaient
pas prévisibles et les renvois se sont étalés sur plusieurs
années. Les protestations sous forme de démissions ont servi
finalement aux nazis. Souvent la croyance d'une courte
souveraineté nazie a poussé les scientifiques à persévérer à leurs
postes. Inutile. Finalement un nombre incroyable de scientifiques
furent expulsés d'Allemagne en laissant un grand nombre de places
vacantes.
Les physiciens qui avaient gardé leur objectivité n'ont jamais
fait cause commune avec les nazi, ils avaient compris quel dommage
cette politique signifiait pour leur discipline, et c'est ce qui a
mené à leur aliénation de l'état.
Le programme «Manhattan project» pour la construction de la bombe
atomique américaine a énormément profité de l'expulsion des
scientifiques d'Allemagne. Ces scientifiques, et la conviction que
si quelqu'un pouvait construire la bombe cela seraient les
allemands, amena finalement au succès du programme américain.
Le
programme correspondant en Allemagne fut déstabilisé par les
attaques contre la physique théorique et par un soutien plein de
lacunes du régime. En plus il manquait de bons physiciens
expérimentateurs pour l'industrialisation de la physique
nucléaire.
La courte réussite de la physique aryenne est due à la
caractéristique nazie de faire primer les considération politiques
sur les qualification professionnelles dans les nominations.
Lenard et compagnie n'ont guère apporté de performances valables
en physique pendant ces années et le mouvement n'a ainsi jamais eu
vraiment de soutien du côté des physiciens, mais par contre
temporairement du côté de la politique.
La physique aryenne était plutôt un mouvement politique que
physique. Lorsque la guerre finit de traîner en longueur, les nazi
eurent besoin de physiciens capables pour le programme nucléaire
et ont supportèrent ainsi les physiciens théoriciens qui étaient
autour de Heisenberg. Lenard et Stark ont misé sur les fausses
personnes : les bureaucrates du REM ne furent jamais intéressés à
se donner à fond pour la physique aryenne et ils disparurent
finalement dans les bas-fonds du système. Si les défenseurs de la
physique aryenne avaient été de meilleurs hommes politiques, ils
auraient peut-être pu gagner Himmler à leur cause.
Les expériences vécues en Angleterre et la découverte de Thompson
rendit Lenard amer et consolida sa conviction que les anglais
avaient la responsabilité de la première guerre mondiale. En
outre, il ne s'était jamais senti assez reconnu parmi ses
confrères. Dans l'idéologie national-socialiste, il avait
finalement trouvé un accueil favorable.
Reste la question de savoir pourquoi les scientifiques n'ont pas opposé une résistance plus forte. Von Laue décrivait la seul manière d'agir pour ceux qui restaient en Allemagne comme cela [9] :
Ce comportement était en accord avec le principe d'objectivité des scientifiques. Une résistance active aurait tout aussi bien méprisé ce principe qu'une collaboration sans condition avec les nazis. Ceci leur interdisait une résistance politique, mais une résistance professionnelle leur était possible. Mais du côté professionnel, les physiciens n'avaient aucun moyen coercitif pour accorder de l'importance aux leurs avis7.1.
Mais au moins une résistance passive fut quand-même possible : les
physiciens ont essayé de se servir de l'état contre le parti et
ils ont défendu la mise au pas de la «Deutschen Physikalischen
Gesellschaft» avec succès. Avec le début du programme pour la
construction de la bombe, les physiciens avaient subitement un
moyen de coercition et par la suite la physique aryenne fut
éliminée en peu de temps. Mais ceci fut aussi la preuve que les
scientifiques ne pouvaient plus affirmer que la science pure
était séparable du pouvoir politique.
Pour conclure, on pourrait convenir à ce que non pas la vigueur des défenseurs d'une physique indépendante mais la faiblesse des adhérents d'une physique aryenne avait empêché les sciences d'une soumission complète à la politique.