En 1905, Einstein travaillait à l'office des brevets à Berne quand il a publié ces trois travaux dans les «Annalen der Physik» [23], notamment sur la «Theorie der Brownschen Bewegung3.5», «Zur Elektrodynamik bewegter Körper3.6» ainsi que «Über einen die Erzeugung und Verwandlung des Lichtes betreffenden heuristischen Gesichtspunkt3.7» Dans ce dernier article, il faisait mention des travaux de Lenard :
Le premier collaborateur d'Einstein était Johann Jakob Laub. Dans sa thèse de doctorat (1906) il avait utilisé la relativité restreinte. En 1908 Laub est devenu assistant chez Lenard à Heidelberg. En 1910 il a publié un rapport «Über die experimentellen Grundlagen des Relativitätsprinzips» (cf. [24]) avec l'approbation de Lenard. Lenard avait donc accepté la relativité restreinte et il avait connaissance de toutes les publications d'Einstein. Mais Lenard n'était pas prêt à accepter la nature quantique de la lumière, il ne voulait en aucun cas abandonner les explications classiques. Ainsi, il a supposé que l'effet photoélectrique était du à un phénomène de résonance et il écrivit [25] :
Bien que Lenard violait la vision classique de l'atome3.8 avec ses travaux utilisant les rayons cathodiques, il défendait les concepts classiques. Il était convaincu de la justesse du modèle de l'ether et a essayé d'étendre le modèle pour pouvoir expliquer de nouveaux phénomènes. En 1910, il publiait ses convictions dans son ouvrage «Über Äther und Materie» [26] :
Einstein vint en 1914 à Berlin3.9 et rendit public ses premiers travaux sur la relativité générale. Pendant les six dernières années, Einstein et Lenard n'avaient plus été en contact. En 1918, Lenard a publié son article «Über Relativitätsprinzip, Äther, Gravitation» [26] avec lequel il voulait limiter la validité de la relativité générale :
Einstein ripostait avec son célèbre "Dialog über die Einwände gegen die Relativitätstheorie" [27]. Ce dialogue entre un critique et un partisan représente parfaitement les points de vues opposés de Einstein et Lenard et mérite absolument d'être lu.
Lenard rééditait son article «Über Relativitätsprinzip, Äther, Gravitation» deux ans plus tard en répétant les mêmes objections. En plus il y a ajouté l'exigence d'une théorie compréhensible pour le bon sens3.11. Einstein ne réagisse plus à son critique incompréhensif. Le mathématicien Hermann Weyl écrivit en 1920 [27] :
Lenard n'était incontestablement pas le seul physicien qui invoquait des arguments scientifiques contre la relativité générale. Parmi les reproches on entendait entre autres :
En août 1920, une réunion fut organisée par Paul Weyland, qui n'était pas encore connu à l'époque. Weyland avait préparé cette séance par une série d'articles dans les journaux dénigrant Einstein comme plagiaire ([28] et [29]) et se référait à Lenard. Le soir même Weyland a présenté la relativité comme une théorie induisant en erreur et s'est basé sur le texte «Über Relativität, Äther, Gravitation» de Lenard. Par la suite Einstein écrivit un article dans le Berliner Tagblatt du 27 août 1920 qui portait le titre «Meine Antwort» [30] :
On sait aujourd'hui qu'on avait fait à tort le lien entre Lenard et Weyland (cf. par exemple [30], ainsi que deux citation plus loin dans ce texte). Arnold Sommerfeld, qui présidait la «Deutsche Physikalische Gesellschaft» à l'époque, a essayé de réconcilier Einstein avec Lenard en écrivant aux deux à ce sujet. Entre-temps Einstein regretta sa réaction, tandis que Lenard répondit aigri à Sommerfeld [31] :
Au congrès de Nauheim, en septembre 1920, Lenard et Einstein se sont rencontrés pour la première fois personnellement et ont défendu leurs avis de manière objective. Lenard se trouva isolé et incompris avec ses objections. Dans sa troisième édition de «Über Relativität, Äther, Gravitation» parue en 1921 [32], il s'en plaignit :
Einstein s'excusa finalement, pour son article du 27 août 1920 - dans le Berliner Tageblatt, un jour après le congrès de Nauheim [32]:
Mais l'aigreur de Lenard était trop grande, il n'accepta pas les excuses d'Einstein. Lenard quitta la «Deutsche Physikalische Gesellschaft» et il interdit aux membres de cette association d'entrer dans son bureau à son institut à Heidelberg. Pour la première fois, il prononça des paroles racistes [32]:
Peu après l'académie des sciences suédoise a attribué le prix Nobel de 1921 à Einstein pour son travail sur l'effet photoélectrique3.13 ce qui affecta Lenard profondément, car c'était lui qui avait fourni les faits expérimentaux. Ainsi, il a protesté auprès du comité pour cette attribution.
Avec la remise du prix à Einstein Lenard avait subi un échec de ses essais de le discréditer. Dans sa autobiographie il écrivit plus tard :
Quels étaient les motifs de son adhésion à l'antisémitisme et puis au national-socialisme? Trois incidents ont probablement eu une influence sur lui: En 1922, son seul fils était décédé à cause de sous-alimentation3.14, l'inflation avait dévalorisé ses titres de créances sur l'or qu'il avait mis à disposition à l'état et finalement l'assassinat3.15 de Walther Rathenau par des extrêmes droites. Rathenau était ministre des affaires étrangères et il était juif. Lenard a refusé de respecter le deuil national ordonné. Sous la pression des syndiqués il fut arrêté, puis il lui fut interdit de rentrer à l'institut. 600 étudiants signirent une pétition pour sa redésignation. Ainsi, il entra en contact avec des étudiants d'extrême-droite et il participa à des discussion sur Hitler.
Le 1er avril 1924, Hitler fut emprisonné3.16. Peu après, Lenard publia son ralliement au national-socialisme et à Hitler [33] :
Son admiration romantique des héros (cf. début de ce chapitre) a donc pris une coloration raciste. Bien que Lenard ne fut pas adhérent du parti jusqu'en 1937, il a noué des contacts avec les nazis.
|
Lenard commença à rédiger des traités historiques et des articles
pour le «Handbuch der Experimentalphysik» (tome 14 :
«Kathodenstrahlen», 1927; tome 23 : «Phosphoreszenz und
Fluoreszenz», 1928) puis «Grosse Naturforscher», 1929 [34].
Le dernier est écrit avec l'arrière-pensée impérative que toutes
les grands travaux remontaient à la race aryenne-germaine. En
1931, il prit sa retraite.
En 1933, il s'adressa à Hitler pour se proposer comme conseiller pour l'affectation des postes en physique. Johannes Stark, qui avait une idéologie semblable, fut désigné peu après comme nouveau président de la «Physikalisch-Technischen Reichsanstalt». Lenard jubilait [35] :
Pour déraciner l'esprit de la physique moderne dans la formation des futurs «physiciens aryens», Lenard sortit en 1936 le traité de physique «Deutsche Physik» en quatre tomes [37].